Dans le sillage des arts décoratifs, qui ont toujours été des arts de vivre et d’habiter, Emmanuel Tibloux a pris le parti d’axer la résidence sur les notions de milieu de vie et d’habitat, en invitant artistes et designers à explorer les écosystèmes locaux dans le sens d’une pratique située, tout en ayant conscience de la longue histoire des rapports polarisés de la ville à la campagne : la campagne projetée par la ville n’est pas un pays qu’on habite, elle est une terre qu’on exploite ou une aménité dont on jouit (alimentation pour la population, matières premières et main d’oeuvre pour l’industrie, air pur pour le corps et l’esprit).
À être conçue sur deux années, la direction artistique a l’avantage de donner
le temps et, avec lui, la possibilité non seulement de résider mais aussi, au moins tendanciellement, d’habiter.
Après une première résidence-exposition intitulée « Quelque-chose ici va
venir », qui s’est attachée à révéler le potentiel du lieu à partir de ses ressources, cette nouvelle édition aimerait esquisser un modèle écocentré de la résidence artistique en milieu rural, au service à la fois du territoire et plus largement d’une reconfiguration du rapport de la culture à la nature, et de la ville à la campagne.
Elle articulera trois types de lieux qui ont retenu l’attention des artistes et designers et se révèlent porteurs d’un grand potentiel imaginaire et narratif : le village, la ruine et la forêt. Elle se nourrira de la pensée de la réhabitation, née dans la Californie des années 1970, qui se révèle particulièrement accordée à l’urgence écologique de notre temps.
« Réhabiter signifie devenir originaire d’un lieu, devenir conscient des relations écologiques particulières qui opèrent au sein de ce milieu et autour de lui. Cela signifie entreprendre des activités et faire naître des comportements sociaux capables d’enrichir la vie de cet endroit, de restaurer ses systèmes d’accueil de la vie, et d’y établir un mode d’existence écologiquement et socialement durable.» Peter Berg et Raymond Dasmann, « Réhabiter la Californie », EcoRev’, 2019/1, No47, p. 73-84.
Quelques rendez-vous publics aux Arques viendront émailler le temps de
résidence, avant l’exposition estivale qui rendra également compte de la
résidence menée en 2023, avec les artistes et designers Romain Gandolphe,
Jean-Sébastien Lagrange, Sabine Mirlesse, Anna Saint-Pierre et Nicolas
Verschaeve.
Avec Le Nouveau Printemps de Toulouse, dont la direction artistique est
confiée à Alain Giraudie — qui partage avec nous une approche territorialisée
des pratiques artistiques — le programme « Résider/Réhabiter » se déploiera
dans la ville rose sous la forme d’une exposition et d’une rencontre consacrée aux pratiques artistiques situées et aux liens pluriels qui se nouent entre un artiste ou un designer et un territoire. Témoigneront de leurs expériences, des acteurs de l’art contemporain et de la création artistique, dont des membres du réseau régional Air de Midi et du réseau national Arts en résidence.
Comme en 2023, un « chronosite » rendra compte de la démarche de
recherche des résidents dans sa temporalité propre, faite d’accélérations et de lenteurs, de rencontres et d’expériences hétérogènes.