Lorsque les Ateliers des Arques m’ont invitée à concevoir cette édition, j’ai immédiatement pensé à un moyen de résistance face à la déshumanisation de nos sociétés et au film "Jour de Fête" (1) de Jacques Tati, où un village en temps de guerre tente de résister par la joie. C’est dans cette logique de résilience, de poésie, de jeux et d’amusement que le sujet de la fête de village m’intéresse et que j’ai orienté ce commissariat. Des choses ordinaires, profondément humaines.
Aux Arques, "Jours de Fêtes" s’écrit au pluriel et se présente comme une annonce, celle d’un lieu de rencontres conviviales entre l’artiste, l’habitant, le visiteur, où l’émotion et le plaisir deviennent des forces communes, sans autres attentes que de vivre-ensemble. Comment rapprocher l’art des gens ? Comment rapprocher les gens de l’art ? En ce sens, l’exposition-résidence propose de réinventer la fête de village dont le modèle de rencontres et d’animations a peu évolué depuis plusieurs décennies. S’attachant à replacer l’art au service du public et de la célébration, artistes et designers tentent de réduire les distances entre art et non-art, entre l’art et la vie, entre l’acte créatif et festif.
À cette occasion, une dizaine d’artistes sont invités en résidence aux Arques pour concevoir la 34ème édition et mener un travail de recherche durant toute la saison printanière : hobbypopMUSEUM (avec les présences de Dietmar Lutz, André Niebur et Sophie von Hellermann), Shirley Nirina Thomas, Alban Turquois, Lucille Uhlrich. Tandis que d’autres, comme Jacques Averna, Manon Cezaro et Alexis Jamet, Raphaël Larre, y séjournent ponctuellement. Bien que presqu’aucun d’entre eux ne se connaissaient auparavant, les phases de cohabitation sur place ont favorisé l’esprit de cohésion, d’entraide et de collaborations jusqu’à donner naissance à des moments de rencontres entre résidents et avec les habitants du village, dépassant le cadre strict de l’art.
Pensé à l’échelle du village, le parcours d’exposition est traversé par diverses installations in situ, collectives et personnelles, où chaque étape s’envisage comme une fête dans la fête.
Cuissons de céramique au barbecue d’Alban Turquois, terrain de bal-minton en plein air d’hobbypopMUSEUM, instruments à tisser et tisanes d’après fête de Shirley Nirina Thomas, lanterne à facettes de Lucille Uhlrich suspendue dans l’atelier endormi d’Ossip Zadkine, concert champêtre de Jacques Averna dans le jardin public, piano à desserts et sacs à notes dessinés par Raphaël Larre aux lignes franches et joueuses, formes populaires animées par Manon Cezaro et Alexis Jamet, font tituber le réel pour imaginer à quoi pourrait ressembler la “fête idéale”.
En s’appuyant sur des spécificités du territoire, les artistes imaginent ainsi de nouveaux espaces d’hospitalité, en résonance avec la vie de nos campagnes, où le geste artistique se définit davantage comme une attitude face au monde, capable de réveiller la mélodie de la vie et de la « rendre plus intéressante que l’art. » (2)
Anne-Laure Lestage
Commissaire d’exposition invitée
Les Arques, juin 2025
- Jacques Tati, Jour de Fête, 1949
- Robert Filliou, L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art, Les Presses du réel, 2003
